Le papillon du président

- Allo ?

- c'est pour l'apéro ?

- non, c'est pas pour l'apéro !

- c'est pour quoi alors ?

- il y a un papillon dans le jardin !

- (?) (je suis déjà en train d'enfiler mes chaussures),

- … un papillon dans le jardin !

- quelle couleur (je referme la porte) ?,

- vert !

- vert ? (vous avez déjà vu un papillon vert, vous ? A mon avis y ont déjà attaqué l'apéro), comment çà vert (je suis dans l'escalier, que je monte quatre à quatre) ?

Quand Gérard appelle, c'est pour l'apéro. Il a un petit pastis de Nice, que çà vous donnerait envie de faire du vélo avec lui ! Nous, on habite en bas, et vous, en haut, c'est pour çà qu'il faut qu'on monte quand on va prendre l'apéro chez Gérard et Brigitte. Mais ce jour là, l'affaire était sérieuse : y'avait le papillon vert. J'arrive donc, et le voici : ailes festonnées, roides et apposées en V, corps arqué formant un S, et, effectivement, vert, un vert nuancé (car maintenant vous savez que les couleurs des papillons de nuit ne sont que nuances), c'est un sphynx. C'est le sphynx du tilleul.

Cet animal très gracieux, profilé pour la vitesse, comme le sont les martinets chez les oiseaux, est une feuille vivante. Rien qu'à le regarder, on sent l'odeur du tilleul. Magnifique poésie de la nature, où la forme - et les couleurs - expriment l'invisible.

Depuis, on ne prend plus que des tisanes.